Me Claude AILLAUD, notaire de Marsillargues [AD34 2E46-80 / folio 103 v°]
14 mai 1598
Prix fait de la construction de fours pour le baron de Calvisson
Suite à plusieurs demandes d’abord refusées du baron de Calvisson à la communauté des habitants, il se voit finalement autorisé par celle-ci, le 17 mai 1597, à construire un nouveau château sur des terres vacantes. Contrairement aux idées reçues, à cette époque, le seigneur d’un lieu n’a pas tous les droits sur le territoire qu’occupe la seigneurie. Ainsi les biens dits « communs » dont certains sont appelés « patus » sont la propriété de l’ensemble des habitants du village. Ils en disposent comme bon leur semble et prennent toutes les décisions à leur sujet en conseil politique sans que le seigneur puisse y imposer sa volonté.
Le projet
La construction et l’existence même de ce « nouveau château » de Calvisson feront l’objet d’autres articles. Le document qui est étudié ici décrit la construction de deux fours, l’un a tuiles et à « manous », l’autre à chaux. Les manous, mahous, mahouns ou malouns sont des carreaux en terre cuite servant au pavement. Passé au mois de mai 1598, tout juste un an après l’accord de la communauté, ce prix fait semble attester que le chantier du château est en cours ou imminent. L’importante capacité de 6000 tuiles et 3000 carreaux révèle de grandes surfaces à couvrir et à carreler. Les fours seront bâtis dans le « devois » du baron qui à cette époque se trouvait a l’ouest du territoire de Calvisson, en limite nord de celui d’Aigues-Vives.
Les fours seigneuriaux
Dans les rares mentions de fours à tuiles de cette époque, ils apparaissent tous appartenir à des seigneurs. S’il ne s’agit pas d’un de leurs privilèges, il est plus vraisemblable qu’eux seuls avaient la capacité d’entreprendre de telles constructions. Au-delà du coût, le combustible – le bois – servant à chauffer ces fours est un bien rare et précieux. Si la communauté et quelques propriétaires possèdent quelques bois, ce sont généralement les seigneurs qui ont les plus grands domaines, les « devois » (terme également employé pour les bois communs).
Détails et conditions
Jean DE LOUET DE MURAT DE NOGARET baron de Calvisson confit donc à Jacques PORTAL de Ners demeurant à Congénies la construction de deux fours, un grand à tuiles et à carreaux où il y fera la voûte qui convient et un petit, à chaux, d’environ 25 à 30 muids. La première fournée appartiendra audit PORTAL et les premières tuiles qui seront cuites serviront à couvrir les fours. Ensuite le baron prendra tous les carreaux et la moitié des tuiles, le reste appartiendra à Jacques PORTAL. Pour chauffer le four, il pourra seulement prendre les chênes kermès (avausses) et non les chênes verts (euses) et autres chênes. Il devra réaliser l’aire de service, la « pastière » pour détremper l’argile et « l’aubrade », le tout pour la somme de 80 livres tournois et une salmée de blé.
Les vestiges de ces fours, s’il en reste, n’ont pas été découverts.
Transcription
Consulter sur le site des Archives Départementales de l’Hérault
Prisfaict balhé par Monsieur le baron de Calvisson à Jacques PORTAL de Ners
L’an mil cinq nonante huict et le quatorziesme jour du mois de may après midy devant moy notaire et tesmoingz soubz nommés estans présens messyre Jan DE LOET DE MURAT et DE NOGARET seigneur et baron de Calvisson, marcillargues et autres lieulx, de gré pour luy, ses hoirs a bailhé et balhe à prisfaict a Jacques PORTAL de Ners au diocèze d’Uzès demeurant à présent à Congénes présent et aceptant deux fours, l’ung à cuire tuilles et l’autre à chaux que ledit sieur baron veult fère fère dans son debvois de Calvisson aulx conditions suivantes, scavoir que ledit PORTAL sera tenu fère un grand four auquel se pourra cuire six mil tuilles et troys mil manous de icellui bastir et randre faict et parfaict et prest à cuire et y fère la crote que y convient fère et aussi fera ung autre petit four pour y cuire chaulx d’environ vingt à cinq ou trante muis et icellui randre faict et parfaict en bon estat prest à cuire ce qu’il sera tenu fère dans ung mois prochain. Item a esté pacte que la première fornée que ledit PORTAL fera au petit four soyt de chaulx ou tuille luy appartiendra entièrement sans que ledit sieur y prétande aucune part ny portion. Comme aussi ledit PORTAL fera les tuilles et manous que conviendra faire pour la première fornée du grand four et iceulx fera cuire et après tous les manous apartiendront audit sieur baron et la moytié des tuilles et l’autre moytié des tuilles apartiendront audit PORTAL que en fera de sa moytié comme bon luy semblera. Item a esté pacte que de la première fornée que ce fera au petit four, ledit PORTAL sera tenu des tuilles couvrir lesdits fours et ledit sieur balhera le bois que conviendra pour employer ausdits couvertz sans que ledit PORTAL puisse après retirer lesdites tuilles.
Aussi ledit sieur permect audit PORTAL de prandre de bois appellé avausses et autres sauf d’eauze et chaines pour employer ausdits deux fours que pourra coupper aucunes gardes ains les conserver à peyne de tous despans, dommaiges et inthérestz. Item sera tenu ledit PORTAL y fère une hière pour estandre et fère assurer les tuilles de la largeur que sera besoing et nécessaire et aussi fère la pastière pour y destramper l’argille et semblablement aussi l’aubrade le tout à ses despans sauf que ledit sieur baron sera tenu payer et balher audit PORTAL la somme de quatre vings livres et une sommée bon bled scavoir de jour en jour de la moytié de ladit somme et bled et l’autre moytié comme la besougne se fera, lesquelz fours se feront au lieu plus propre que entre eulx sera advisé prometant lesdites partie chascune comme les conserne tenir ce présent acte et ny contrevenir soubz l’boligation à scavoir ledit sieur baron ses biens et ledit PORTAL sa personne et biens aulx forces des courtz présidialle et gouverneur de Montpellier conventions de Nismes ordinaire des parties et à une chascune d’elles et ainsin l’ont promis et juré à Dieu avec deue renonciation.
Faict et récité à Marcillargues, chasteau dudit sieur baron présens cappitaines Anthoine ARNAUD et Phelip BIOU demeurant audit lieu soubzsignés et moy Claude AILLAUD notaire dudit requis soubzsigné
NOGARET ET CALVISSON
ARNAUD / P. BEUF
AILLAUD
A noter que le nom du deuxième témoin est inscrit BIOU alors qu’il signe BEUF, biou étant la traduction occitane de bœuf.