31 mars 1596
Un sergent dans la ville
Jacques BEGOU (nom francisé en BEGUE) est « passé sergent » et propose ses services à la communauté des habitants de Calvisson et à leurs consuls pour être trompette et valet. Il demande 10 livres pour ses gages, le droit des « incants » et d’être reçu comme habitant, ce qui nécessite l’approbation de l’administration consulaire. Il souhaite également que la communauté lui fournisse un « accoutrement » et un manteau de drap gris. On lui octroie 6 livres de gage et on lui accorde qu’il tire un supplément de salaire du droit des incants. Son manteau ne lui sera délivré qu’après 3 ans de service [Doc.1].
Il remplace ou supplée les valets Domenge POUJOL et Jean BATAILLE. Ce dernier est aussi garde terre (délibérations précédentes). Les délibérations suivantes précisent que les consuls commandent à Jacques BEGOU, installé dans ses nouvelles fonctions, d’appeler les conseillers pour tenir conseil [Doc.2].
En 1590, la communauté déplorait l’absence de sergent. Il faut aller en quérir un à Saint-Gilles qui accepte le poste ou est forcé de le faire à cause de certaines dettes. On apprend que son rôle était notamment de « faire les criées » et d’appeler les conseillers aux conseils généraux des habitants, l’équivalent des conseils municipaux [Doc.3]. On sait que pour cela, probablement en plus de la trompette, on sonnait la cloche (« sonne la cloche par deux fois pour mieux appeler en général au conseil », délibération du 8 nov. 1592). Ces fonctions tiennent toutefois plus du valet que du sergent.
Jacques BEGOU est sergent de la cour ordinaire de justice de Calvisson, premier niveau de justice dont le tribunal statue sur les petits litiges liés à la propriété, aux dettes, aux désordres, discordes et incivilités, aux dégâts causés par le bétail, au non respect des règles de police, etc. Le sergent, policier municipal de l’époque, est chargé des convocations et de la bonne tenue des audiences. Il est aussi l’intermédiaire entre les différentes cours de justice, l’administration communale et la population locale. Il peut accompagner le collecteur d’impôt dans sa périlleuse tâche (« Les syndics seront tenus de fournir à leurs frais un sergent ordinaire au collecteur pour faire payer les deniers » – Congénies, 1540 / AD30 2E22-1 / folio 64 v°).
1617-1627
Le tampon du sergent
20 ans plus tard, lors d’une de ses missions, cette fois-ci pour la communauté de Boissières, notre sergent délivre une intimation au représentant de l’église cathédrale de Nîmes sur fond de conflit catholiques-protestants. On découvre dans l’annotation inscrite à cette occasion qu’il ne signe pas mais utilise un … tampon [Doc.4] !
Encore 10 ans plus tard, en 1627, le même tampon est toujours en service (AD30 – E DEPOT 14 101 / liasse). Il parait peu probable qu’il fut en bois. Le sergent utilisait l’encre du scribe avec laquelle il devait badigeonner sa marque avant de l’appliquer sur le document.
Les textes sont rédigés à la première personne par un greffier. De toute évidence, Jacques BEGOU ne savait pas écrire. A la rédaction de son testament (AD30 2E22-584 f°168), le 18 mai 1629, sa signature à la plume est une mauvaise imitation du tampon qu’il appose habituellement au bas des documents, il ne parvient pas à dessiner correctement la lettre G. Pourtant, la similitude entre les deux versions, tamponnée et manuscrite, suggère qu’il a un modèle.
Jacques BEGOU, sergent ordinaire de Calvisson, s’est marié une première fois avec Magdeleine CANONGE dont ils ont eu une fille, Isabeau. Il a ensuite épousé Isabeau BONNET qui a donné naissance à Jean et Jeanne puis il s’est marié une troisième fois en 1623 avec Isabeau DAUFESC. En 1629, le couple a une autre fille nommée Jeanne.
Bernard GRANIER, sergent ordinaire de Nîmes, est son cousin. Utiliserait-il lui aussi un tampon ?
Le cas ne semble pas si rare à cette époque, en voici des exemples. Les auteurs exerçaient presque tous les mêmes fonctions que Jacques BEGOU.
Pierre BELET, sergent et trompette à Alès en 1617 (AC Sommières DD14)
Guillaume BENIQUE, trompette et crieur public au Vigan en 1617 (ibid.)
Pierre MARRE, sergent et trompette à Marsillargues en 1617 (ibid.)
Pierre VIDAL, sergent et trompette public de Lunel en 1625 (AC Sommières CC263)
Antoine POURTON, également de Calvisson, dans un acte passé au Cailar en 1648 (AD30 2E75-150 / folio 234 v°).
Antoine BENEZET, sergent ordinaire d’Aimargues en 1631 (AD30-E dépôt 2 456)
Documents source et transcriptions
Doc.1
Registre des délibérations des consuls de Calvisson [AD du Gard : E Dépôt 14 5 (BB3) / non folioté / ref.0054]
31 mars 1596
Demande de Jacques BEGUE pour être trompette et valet de la communauté
De Jaques BEGUE
Item plus a remonstré le dict BENEZET conseul comme le dict BEGUE est passé sergent lequel se présante pour estre trompette et pour estre varlet des conseulx si on luy veut donner dix livres en argent et les droictz des inquantz et le passer pour habitant et qu’on luy fera ung acoustrement et ung mantel de drap gris de trois en trois ans.
Arresté et conclud qu si le dict BEGUE veut servir il aura pour ses gages six livres, les droictz des incantz lesquels incantz messieurs les conseulx feront crier qui les vouldra arrenter, lequel pris qui proviendra du dict arrentement le dict BEGUE tirera pour ses gages et quand il aura servy trois ans il aura aussy ung mantel.
Doc.2
Registre des délibérations des consuls de Calvisson [AD du Gard : E Dépôt 14 5 (BB3) / non folioté / ref.0117]
10 novembre 1596
Début d’une délibération standard
L’an mil cinq cens norante six et le dimanche 10e jour du moys de nouvembre et du mandement de sire Pierre CARRYEU et de Jehan BENEZET conseulx lesquels auroyent commandé à Jaques BEGUE varlet des dictz conseulx de appeler tous les conseillers et les faire venir aujourd’huy après midy dans la maison commune de la ville, maison consulaire pour illec estant assambléz tenir conseil des affaires de la communauté que se présantent aujourd’huy, ce que le dict BEGUE a faict comme il a dict et afermé …
Doc.3
Registre des délibérations des consuls de Calvisson [AD du Gard : E Dépôt 14 4 (BB2) / non folioté / ref.0047]
8 juin 1590
On recherche un sergent
Item plus a esté préposé par le dict conseul VALETE disant qu’il n’y a point de sergeant en ce lieu que vueille servir les conseulx comme quand ils veulent faire faire de cryés et de mander les conseils et à ces fins il auroit envoyé quérir Pons MERIGNARGUES à Sainct Gillis pour voir s’il veut servir, ce que le dict MERIGNARGUES seroit venu et a promis de servir les dictz conseulx vray est qu’il doit quelque argent à Jacques SAURIN et demande sy la ville vouldroit payer pour luy.
A esté arresté et conclud que la ville payera pour luy ceste argent qu’il doit au dict Jacques SAURIN
Doc.4
Archives du Chapitre de l’église cathédrale de Nîmes [AD du Gard G274 / liasse / ref.0027]
1617
Attestation de mise en demeure tamponnée
L’an que dessus (1617) et le segond jour du mois de mars apprès midy, certiffie je Jacques BEGOU sergent ordinaire de Calvisson soubzsigné qu’en vertu et à la requeste sy atachée et inthimé au sindictz du chappitre de Nismes parlant à Monsieur Henry SIBOUR prebtre treuvé dans le lieu de Calvisson lui ay faict les hinibission et deffances de ne passer plus oultre à peyne de cinq cens livres et neanmoingz les ay assignés au huitest jour apprès mon dit présant exploict à la court donc ma comission deffaut de laquelle et de mon présent exploict lui ay bailhé coppye présantz les només en mon original et moy soubzsigné
I.BEGOV