1603 Remaniements au château du Cailar

  30 Le Cailar, Châteaux, fortifications

Me Antoine MENARD, notaire d’Aigues-Vives [AD du Gard 2E13-10 / folio 34 v°]


10 février 1603
De maigres indices pour se représenter le château du Cailar


Il existait au Cailar un château d’origine médiévale dont on ne connait pas grand chose, à commencer par son emplacement. Louis XIII, grand épurateur de notre patrimoine castral, le fit détruire à l’époque de la Paix d’Alès, en 1629. La tradition populaire le situe quelque part au nord du cimetière mais cette hypothèse ne fait pas l’unanimité. En l’absence d’argument et « seulement » 400 ans après avoir été rasé, personne n’est capable d’affirmer où l’on serait susceptible de trouver des vestiges enfouis de la résidence des seigneurs successifs du lieu.

Quelques années avant son démantèlement, en 1603, Marguerite DU FAUR, dame d’Aubais, du Cailar, Junas, Gavernes et Montlaur, veuve de Balthazar DE BASCHI (mort noyé 5 ans plus tôt) avait décidé de remanier le château avec d’importants travaux de démolition et reconstruction d’une partie de celui-ci. Ces transformations furent confiées à un maçon du Gévaudan, habitant dans l’actuelle Lozère (Il est à noter que pour des raisons qui ne paraissent pas évidentes, de nombreux maçons de l’époque étaient originaires de ces contrées).

Ce document lève un coin du voile sur le château du Cailar mais son imprécision est la cause inévitable d’une certaine frustration. On apprend la présence d’une tour appelée de Cabot, sans plus d’indications, peut-être en lien avec un port médiéval voire antique du même nom qui lui serait plutôt localisé sur la rivière du Vistre, au nord-est du village [1]. La description des travaux ne pourra guère plus nourrir notre imagination.


Les travaux

La cuisine basse, la « pastarie », la chambre et arrière chambre seront démolies jusqu’à cette tour de Cabot. Les fossés seront supprimés là où il sera nécessaires de faire les fondations du nouveau bâtiment. Dans cet espace, le maçon construira un mur depuis l’entrée du château jusqu’à la tour de 4 pans d’épaisseur (env. 1 m) jusqu’à la voûte puis au-dessus de 3 pans d’épaisseur (env. 75 cm) jusqu’au toit. Tout au long de ce mur, il y fera les portes et fenêtres requises en pierres de taille. A l’intérieur seront ajoutées les cloisons « pour faire séparation des membres » ainsi que les conduits des cheminées. Du côté du mur ouest sera construit un escalier à vis « à repos » (paliers). La dame d’Aubais sera tenue de fournir tous les matériaux.


Les prix

Le maçon sera payé à la surface de mur bâti, soit 4 livres tournois la canne carrée (env. 4 m²) pour le mur extérieur et 2 livres tournois pour les cloisons intérieures. Les voûtes en pierres de taille seront facturées 6 livres et 10 sols tournois la canne carrée, celles en pierres dites rassières 3 livres tournois. Les conduits des cheminées sont évalués à 40 sols la canne carrée. Pour chaque marche de l’escalier comprenant les « trépadous ou marchepieds », les cloisons, les portes et les fenêtres, le maçon touchera la somme de 4 livres tournois. En outre, la prestigieuse cliente devra fournir le bois servant à préparer la nourriture du maçon, un boisseau de vin « pur et marchand », ainsi que 6 draps et une paire de nappes qu’il devra rendre à la fin du chantier et enfin une couverture et 2 « bourrencs » qu’on suppose avoir été donnés.


Le délai

Les travaux devront être réalisés dans un délai de 2 ans.


Ce délai important et la facturation à la surface de bâti et non au forfait semble indiquer que la construction était imposante. La découverte des quittances liées à ces travaux permettrait au moins d’évaluer les surfaces.

C’est à la même époque que le seigneur de Calvisson aurait entrepris la construction de son nouveau château dont il ne resterait que quelques vestiges.

Notes



[1] Le port de Cabot est notamment cité dans un document du XIIIe siècle (« portu de Cabotum ») dont il ne reste qu’un vidimus entreposé aux archives d’Aimargues. Il décrit les frontières d’un vaste espace de pâturage. Cabot a donné le nom d’un quartier du territoire du Cailar sans savoir si cette appellation est liée au nom du port et/ou de la tour citée dans le document. La mention du pont de Calène, qui a pu être localisé sur la rivière du Vistre au nord-est du territoire grâce au compoix de 1603, situe le port de Cabot encore plus au nord.

J’adresse mes plus sincères remerciements à Jacques Géminard pour son aide précieuse dans ce dossier.

Transcription

Consulter sur Téléarchives  


Priffaict passé d’entre damoyselle Marguerite DUFAUR dame d’Aubaix et du Caylar avec Me Jehan VIDAL masson habitant du Malsieu en Gévaudan.


L’an mil six cens et troys et le dixiesme jour du moys de febvrier après midy establye en personne damoyselle Marguerite DUFAUR dame d’Aubaix et le Caylar laquelle de son gré a bailhé à prifaict à Me Jehan VIDAL masson habitant du Malsieu en Gévaudan présent et aceptant sçavoir est la besogne et massonerye dans le chasteau du Caylar telle que s’ensuyt sçavoir que au lieu où est de présent la cuysine basse, pastarye , chambre et rière chambre jusque à la tour appellé de Cabot sera desmoly et abattu aux despens de ladite dame ensemble les foussés où sera besoing faire les fondementz du nouveau bastident (sic) # et pendant ledit démoliment sera tenu ledit Me VIDAL y acister pour conduire tant la ruyne que fondementz en luy estant payé ses despens de bouche tant seulement # dans lequel enclos et du costé du couchant sera faict une muralhe de long en long despuys l’entrée dudit chasteau jusques à la murailhe de la tour de Cabot qui aura quatre pans d’espesseurs massoné avec chaux et sable despuys son fondement jusques à fleur de la voulte que y sera faicte et tout le surplus de ladite murailhe jusque au couvert aura troys pans d’espesseur le tout pierre ressière et basty comme dessus avec chaux et sable de toute laquelle murailhe aura et apartiendra audit Me VIDAL quatre livres tournois de la cane carrée à la charge que ladite dame sera tenue fournyr toute matière a ce nécessaire sur la place dans laquelle muralhe et au long d’icelle sera tenu ledit VIDAL faire les portes et fenestrages à ce nécessaires le tout avec pierre de tailhe et en ce que conserne les autres murailhes qui se fairont au meilheu pour faire séparation des membres sera et apartiendra audit VIDAL la somme de deux livres la cane carrée à compter despuys les fondementz jusque au couvert et en ce que touche les voultes sera et apartiendra audit Me masson sçavoir de celles qui seront faicte de pierres de tailhe la somme de six livres dix solz la cane carrée et des autre qui seront faictes de pierre appellé ressière troys livres la cane carrée, toutes lesquelles voultes seront mesurées sur leur plat fons hault ou bas.

Item et en ce que touche la vis ou degrés à repos sera faict du costé de la murailhe du couchant et au lieu où sera advisé entre les parties, pour laquel vis ou degré à repos et en ce comprins les muralhes de l’entour, portes et fenestres à ce nécessaires et sans en ce comprendre la muralhe longue qui sera joignant ledit vis ou degrés sera et apartiendra audit Me VIDAL la somme de quatre livres de chescung degré ou marche rasas? en ce comprins les trépadoux # ou marche pied #.

D’avantaige a esté acordé entre les parties que ledit Me VIDAL sera tenu faire les canoix cannas des cheminées qui seront nécessaires en tout ledit bastiment pour laquelle massonerye sera et apartiendra audit Me masson au feur de quarante solz la cane carrée

Toute laquelle massonerye sera tenu ledit VIDAL commenser à St Michel prochain et la parachever bien et duement dans deux ans l’hors prochain ou plustost si faire se peult à la charge que ladite dame d’Aubaix sera tenue payer audit Me VIDAL pour ladite massonerye sçavoir au commensement la somme de cent cinquante livres tournois et le surplus luy sera payé à mesure que ladite massonerye se faira. Et oultre et pardessus le susdit pris sera tenue ladite dame bailher audit VIDAL le boys que sera nécessaire pour aprester leur vivre ung demy boyssat vin pur et merchant sera tenu aussi luy fournir six linseulz, ung paire de tualhe à la charge de entretenir le tout en bon père de familhe et de le rendre à la fin de la besogne, plus une couverte et deux bourrencz.

Et pour tout ce dessus faire tenir sans y contrevenir les parties respectivement ont obligé et yppothéqué leurs biens présens et advenir aux cours présidial, conventions de Nymes, ordinaires des parties et ainsi l’ont juré à Dieu avec deue renonciation. Faict et récyté à Aubaix dans le chasteau. Présentz Me Jehan GARDIAN et Me Pierre PRYVAT du Caylar et moy Anthoine MENARD notaire royal requis soubzsigné.

Signés :
Marguerite DUFAUR
MENARD
PRIVAT

Laisser un commentaire